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Explorons un futur radieux grâce à la science-fiction constructive

Quel avenir nous prépare-t-on pour 2024 ? "20 Minutes" s'interroge : envisager un monde différent ou nos rêves sont-ils captifs des dystopies ?


Publié le 04/01/24 06:06 | Modifié le 04/01/24 06:06
Source : 20 Minutes
Temps de lecture : 4 min
Explorons un futur radieux grâce à la science-fiction constructive
Les récits dystopiques, qu'ils traitent de dictatures, de catastrophes climatiques, d'IA, d'épidémies, de famines ou encore de clonage, semblent envahir notre imagination.

Et avec une actualité anxiogène, on a l'impression que la réalité va finir par rattraper la fiction.

Par exemple, si vous avez malencontreusement regardé le film Contagion, une œuvre de science-fiction de 2011 sur une pandémie, le soir du 16 mars 2020...

Ou si vous faîtes face à l'horreur de la guerre en Ukraine, qui a réveillé la crainte d'une apocalypse nucléaire (un thème de prédilection de la science-fiction des années 1960-1970).

Vous avez peut-être l'impression que l'état du monde empire ? Que des catastrophes et la mort nous attendent inévitablement ? Et si la solution pour penser le monde autrement passait par la science-fiction positive ? "Nous recevons de plus en plus de demandes dans ce genre", reconnaît Julien Chapert, libraire spécialisé en science-fiction à La Croisée des mondes à Paris.

"Le climat social et politique ambiant fait que les gens ont besoin de lire des titres qui apportent un peu d'espoir." Ce genre de littérature, dont les origines remontent au XVIe siècle avec L'Utopie de Thomas More, ou à l'exploration de Jules Verne au XIXe siècle, suscite de plus en plus d'intérêt. Ces dernières années, plusieurs écrivains, parmi lesquels la plus célèbre est Becky Chambers, ont creusé le sillon de la science-fiction positive.

Cette auteure américaine de science-fiction féministe s'est fait connaître depuis 2014 avec sa série de space opera Les Voyageurs et ses nouvelles d'Histoires de moine et de robot.

Le premier tome de sa série raconte la vie à bord d'un vaisseau spatial où cohabitent des humains et de nombreuses espèces extraterrestres.

La deuxième série imagine un monde où les robots se sont séparés des humains lorsqu'ils ont entrepris une transition vers un monde plus responsable et durable. "Becky Chambers réussit à rassembler : elle a d'abord réussi à plaire à tous les fans de science-fiction, ce qui est rare", salue Mireille Rivalland, éditrice à L'Atalante, la maison d'édition nantaise qui publie ses œuvres en France.

"Elle a même réussi à convaincre de nombreux libraires généralistes qui se sont emparés de ses livres." Le premier tome de la série des moines et du robot traduit en 2022, intitulé Le psaume pour les recyclés sauvages, s'est vendu à plus de 15 000 exemplaires en un an en France, un chiffre très prometteur pour de la science-fiction.

Cet engouement pour la science-fiction positive est également rapporté par Yann Olivier, membre de l'organisation du festival de science-fiction des Utopiales à Nantes, qui ajoute que ce genre suscite la curiosité. "La science-fiction explore des mondes imaginaires, nous projette dans le futur et, très souvent, elle se nourrit de nos angoisses et de nos inquiétudes envers le futur", analyse Ugo Bellagamba, historien du droit à l'université Côte d'Azur, spécialiste des utopies et écrivain de science-fiction.

"Ainsi, elle décrit des mondes sombres, dystopiques ou totalitaires." On pense ici à des œuvres telles que 1984 de George Orwell, Le Meilleur des mondes d'Aldous Huxley ou Hunger Games de Suzanne Collins.

"Mais il y a aussi une science-fiction plus positive, plus confiante envers le futur, qui décrit parfois des mondes meilleurs où nous avons résolu les problèmes d'inégalités, d'argent, de racisme, de sexisme", ajoute-t-il.

L'auteur du Dictionnaire utopique de la science-fiction, paru en octobre 2023, établit un lien direct entre les utopies du passé, comme celle de Thomas More, et la science-fiction.

Selon lui, le mécanisme est presque le même : "Dans l'utopie, on se projette dans un ailleurs, que ce soit spatial ou temporel.

Et dans cet ailleurs, on explore les possibilités d'améliorer le monde.

Et la science-fiction fait la même chose." Pour contrer les dystopies, des auteurs et des scientifiques s'unissent pour réécrire des aventures spatiales plus positives.

"Si tous nos futurs imaginaires sont négatifs, nous risquons de répondre aux problématiques de la même manière ou de penser de façon fataliste", explique Yann Olivier, éditeur à L'Atalante.

"La science-fiction positive, plus qu'un simple manuel à mes yeux, permet d'apporter une réponse différente du cynisme et du fatalisme.

Ce n'est pas forcément la bonne réponse, mais c'est différent." Selon lui, il est plus facile d'écrire une dystopie car imaginer un avenir meilleur demande une étape en plus. Pour l'historien du droit, l'utopie et la dystopie sont les deux faces d'une même pièce, qui représente notre façon de penser le monde.

"Dans toute dystopie, il y a une utopie qui n'a pas été comprise", observe Ugo Bellagamba.

"Et dans toute utopie, il y a un risque de dystopie si elle est appliquée à la lettre." Le cyberpunk illustre bien cela : dans ces mondes sombres de mégapoles urbaines violentes et technophiles, des éléments d'utopie ont été pervertis ou mal compris.

En écho et en opposition, le solarpunk se développe avec une nouvelle génération d'auteurs, dont Becky Chambers.

Ce sous-genre imagine la fin des énergies fossiles avec des économies résilientes, locales ou communautaires, et rejette le spectre de l'apocalypse et de sa logique de survie. "Il est attristant de voir des personnes qui pensent que tout s'effondre et qu'il n'y a pas d'autre issue", déplore Ugo Bellagamba.

"Pourquoi tant de certitudes ? Notre imagination est une protection contre la certitude.

L'utopie nous rappelle que rien n'est jamais certain et que nous pouvons imaginer des choses, même si d'autres les jugent naïves ou peu crédibles.

L'important est d'exercer notre imagination pour penser l'avenir." Dans son livre Utopie radicale, la docteure en philosophie Alice Carébedian soutient également l'urgence de penser les utopies radicales dans la science-fiction.

Elle appelle à développer nos imaginaires de l'émancipation, à former des communautés politiques et à créer des mondes excédentaires face à des systèmes injustes, violents et oppressifs.

Rendez-vous en utopie.

Ou en 2044.

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