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REPORTAGE. Législatives 2024 : dans le Val-d'Oise, les électeurs macronistes "dans une impasse" après le maintien de leur candidate

Dans la 1re circonscription, la députée sortante Emilie Chandler a choisi de ne pas se désister au risque de permettre l'élection de la candidate du Rassemblement national. Ses soutiens sont parfois perdus sur la marche à suivre au second tour.


Publié le 05/07/24 19:00 | Modifié le 05/07/24 19:00
Source : franceinfo
Temps de lecture : 5 min
REPORTAGE. Législatives 2024 : dans le Val-d'Oise, les électeurs macronistes "dans une impasse" après le maintien de leur candidate
Dans les rues de Persan, mieux vaut s'armer de patience avant de croiser un électeur Renaissance.

Il faut dire que le cœur de cette ville du Val-d'Oise, située à une cinquantaine de kilomètres au nord de Paris, bat plutôt à gauche.

Sur les panneaux électoraux de la commune, tous les visages des candidats du 1er tour ou presque étaient recouverts, mardi 2 juillet, à quelques jours du second tour des élections législatives, par une autre affiche en mémoire d'Adama Traoré.

Seuls la représentante de Lutte ouvrière et le candidat de La France insoumise restaient visibles.

Dans un bureau de tabac, le présentoir à journaux affiche lui aussi la couleur avec Charlie Hebdo, Libération et L'Humanité à côté des quotidiens régionaux. à lire aussi DIRECT.

Législatives 2024 : dernier jour de campagne, les candidats multiplient les appels à mobilisation Dans cette commune de 15 000 habitants où la moitié des votants ont glissé un bulletin Nouveau Front populaire au premier tour, c'est finalement en s'engouffrant dans une rue pavillonnaire qu'apparaît Claude, 84 ans, adossé à son portail et vêtu d'un bleu de travail.

Près de ses rosiers bien taillés, il confie avoir voté pour Emilie Chandler, la candidate macroniste arrivée troisième (25,46%), derrière le Rassemblement national (33,65%) et le NFP (30,80%) dans la 1re circonscription du Val-d'Oise.

A la veille d'une triangulaire, il assure qu'il ne changera pas son vote dimanche 7 juillet.

Alors que Gabriel Attal a appelé ses candidats arrivés troisièmes à se retirer coûte que coûte lors du second tour pour empêcher le RN d'obtenir "les pleins pouvoirs", la députée sortante Renaissance a choisi de se maintenir.

"Une troisième voix existe : celle de la République et du territoire", écrit-elle sur Facebook. Pour Claude, ancien employé de banque qui "s'occupait de gens fortunés", la représentante du camp présidentiel a "bien fait de se maintenir". "Il faut laisser le choix aux gens de voter pour qui ils veulent vraiment." Claude, retraité à franceinfo Et d'ajouter que si Emilie Chandler s'était retirée, il aurait voté à gauche plutôt que blanc. "Ah bon, elle se représente ?" Mais dans le Val-d'Oise, d'autres électeurs Renaissance sont désormais dans le flou, tiraillés entre plusieurs options : voter pour leur candidate, voter blanc ou voter Nouveau Front populaire pour faire barrage au RN.

Depuis dimanche, la consigne nationale du parti n'a pas été toujours claire.

Bruno Le Maire, ministre de l'Economie, a par exemple appelé à faire barrage à l'extrême droite, sauf en faveur de La France insoumise.

Selon le décompte de franceinfo, 80 candidats de l'ex-majorité se sont désistés au profit du Nouveau Front populaire.

Le pari de la députée sortante est osé.

En cas d'éparpillement des voix, la 1re circonscription du Val-d'Oise pourrait revenir à l'extrême droite. Devant le magasin Leclerc de Persan, Michel, 80 ans, se montre surpris.

"Ah bon, Emilie Chandler se représente ?" s'exclame-t-il, les yeux écarquillés.

S'il lui a donné une voix au premier tour, le retraité s'était fait une raison : voter NFP pour jouer le jeu du front républicain.

Il hésite désormais à soutenir, une nouvelle fois, la députée sortante.

"Je suis vraiment pris de court", lance-t-il en tapotant du pied, les mains derrière le dos.

Michel n'a pas compris le choix d'Emmanuel Macron de dissoudre l'Assemblée nationale, mais il garde une certaine admiration pour celui "qui a fait le job" ces sept dernières années, de la gestion des "gilets jaunes" à la réforme des retraites. à lire aussi Législatives 2024 : "Si une consigne de vote n'est pas homogène, certains électeurs s'en affranchissent", pointe un politiste Michel a longtemps voté socialiste.

"J'ai travaillé à la mairie de Paris, dans les travaux publics, pendant 40 ans.

Mon dernier patron, c'est Bertrand Delanoë [maire PS de Paris de 2001 à 2014]", lance-t-il fièrement.

Mais le retraité se dit "contre les extrêmes". Glisser un bulletin de La France insoumise dans l'urne constitue pour lui un vote contre-nature.

"C'est surtout l'autre là, leur patron qui fout le bazar", pointe-t-il, sans citer le nom de Jean-Luc Mélenchon.

Avant de s'engouffrer dans le supermarché, Michel semble faire face à un cas de conscience.

Et dit finalement pencher pour le NFP : "Dimanche, je vais penser aux jeunes qui arrivent derrière." "C'est terrible, c'est sans solution" A seulement quatre kilomètres de Persan, la commune de Bernes-sur-Oise, 2 000 habitants, a donné plus de gages au RN qu'au NFP, mais Emilie Chandler est aussi en queue de peloton.

Sur la place de la mairie, un marché des producteurs se tient deux mardis par mois et permet aux habitants de maintenir du lien social.

Bernes-sur-Oise reste une ville-dortoir, dans laquelle les commerces ont progressivement baissé le rideau.

Ne reste qu'un restaurant routier en périphérie et un bar-tabac dans la rue principale, plutôt fréquenté par des jeunes hommes. Guilaume, 34 ans, au marché des producteurs de Bernes-sur-Oise (Val-d'Oise), le 2 juillet.

(LUCIE BEAUGE / FRANCEINFO) Guillaume, 34 ans, installe son stand de bières artisanales.

"Je dois faire partie des rares qui ne sont pas tant déçus que ça par la politique de Macron", blague-t-il d'emblée.

Ce Bernois, qui se considère plus comme un électeur de droite que de gauche, apprécie "sa stature à l'international" et "son côté pro-Européen".

"C'est ma vision personnelle, et elle découle du métier dont je suis issu.

Dans ma famille, on est agriculteurs depuis le Moyen Âge et on a besoin de la PAC", explique-t-il.

Quant à la dissolution, il juge la décision du président "couillue".

Mais "à l'écoute des Français". Pour le second tour, il adoptera la posture du "ni-ni".

"Je n'ai ni envie de voter pour le RN, ni pour LFI, enfin le Nouveau Front populaire", expose-t-il.

Lapsus révélateur de son rejet pour le parti de gauche radicale.

Mais Guillaume se veut lucide sur son vote : Emilie Chandler a "peu de chances de passer".  "Je crois qu'il s'agit plus d'un baroud d'honneur pour elle qu'autre chose." Guillaume, brasseur à franceinfo Pour Stéphanie, 50 ans, qui a voté pour la candidate Renaissance au premier tour par conviction, Emmanuel Macron "a tout fait exploser".

"Il n'avait pas l'air de s'attendre à ce que les gauches se rassemblent", analyse cette enseignante de français aux lunettes rondes.

Elle ne se voit pas voter, au second tour, pour les adversaires d'Emilie Chandler.

"C'est terrible, c'est sans solution.

Je me sens dans une impasse", déplore-t-elle.

Selon elle, les insoumis du Nouveau Front populaire sont des "révolutionnaires". "Je partage quand même plus de valeurs de la République avec l'extrême gauche." Stéphanie, professeure de français à franceinfo L'électrice macroniste se laisse encore le temps de réfléchir jusqu'à dimanche pour arrêter son choix.

Ensuite, la page Emmanuel Macron sera définitivement tournée.

Celle qui se définit "de centre-droit plus que de centre-gauche" se projette déjà en 2027, avec un sauveur bien particulier en tête : "Edouard Philippe, ce serait bien pour la suite." 

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