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Naomi Campbell : «Je suis une mère célibataire, heureuse de l'être»

Supermodèle engagée, amie de la maison Chanel, Naomi Campbell est célébrée dans une exposition au Victoria and Albert Museum de Londres. Un événement qu’elle dédie à ses deux enfants.


Publié le 05/07/24 00:00 | Modifié le 05/07/24 00:00
Source : Le Figaro
Temps de lecture : 10 min
Naomi Campbell : «Je suis une mère célibataire, heureuse de l'être»
Il est minuit quand Naomi Campbell nous appelle depuis Londres : « Je passe ma vie à voyager entre New York, Paris, Milan et l'Afrique, dit-elle, mais Londres reste ma base pour mes enfants et moi. » La top-modèle britannique s'excuse pour son retard : elle était en rendez-vous avec la directrice artistique du Victoria and Albert Museum (V&A) pour finaliser Naomi in Fashion.

Cette rétrospective célèbre quarante ans de carrière de la supermodèle d'origine jamaïcaine.

Et c'est la première fois que la prestigieuse institution anglaise consacre une exposition personnelle à un mannequin. Naomi Campbell, 54 ans, occupe une place à part au panthéon de la mode : icône de style, reine sculpturale des podiums, elle a aussi été la première femme noire à apparaître en couverture d'un magazine de mode, à 18 ans (Vogue US, en 1988).

D'Yves Saint Laurent à Azzedine Alaïa (son père de substitution) ou Gianni Versace, John Galliano et Karl Lagerfeld, elle a côtoyé les plus grands créateurs.

L'exposition met en scène son univers et ses rencontres dans la mode à travers plus de cent robes et accessoires de haute couture qu'elle a sublimés au cours de sa carrière.

Parmi ces pièces, un corset inspiré d'une voiture, signé Thierry Mugler, une robe rose Valentino portée pour le Met Gala ou un ensemble gris Hugo Boss. «Naomi, c'est un mirage qui avance sur un fil» Sont aussi exposés des clichés de photographes emblématiques.

« Nous avons choisi ensemble des photos iconiques de David Bailey, Richard Avedon, Peter Lindbergh et de tous les grands artistes qui l'ont shootée », explique Edward Enninful, DA photo de Naomi in Fashion.

Emblème de réussite, Naomi Campbell, née en 1970 dans le sud de Londres, a débuté le mannequinat à 15 ans et s'est frayé seule son chemin vers la gloire.

« Naomi, c'est un mirage qui avance sur un fil », soulignait Azzedine Alaïa, en décrivant son allure légendaire.

Avec ses amies (Linda Evangelista, Cindy Crawford, Christy Turlington…), elle a aussi révolutionné l'image de la top-modèle dans les années 1990, en lui conférant un parfum rock'n'roll inédit.

Engagée dans de nombreux combats, elle prône l'inclusivité dans le monde de la mode : « Le temps est venu de construire une industrie plus juste », déclare-t-elle sur Instagram, vêtue d'un tee-shirt portant la légende « Phenomenally Black » (« Phénoménalement Noire »), clin d'œil au poème Phenomenal Woman, de Maya Angelou. À lire aussi«Je l’ai fait» : Naomi Campbell confirme avoir eu recours à une mère porteuse Parmi ses priorités, elle cite la mise en lumière du continent africain et « sa créativité vibrante ».

Elle y voyage depuis 1993, quand sa route a croisé celle de Nelson Mandela, une rencontre décisive : « Mandela m'a encouragée à utiliser ma notoriété pour la bonne cause. » Depuis, Naomi Campbell ne cesse de soutenir et promouvoir la jeune garde de créateurs africains.

Femme libre et anticonformiste, elle est la mère célibataire de deux enfants : une petite fille qu'elle a eue à 51 ans, et un garçon, né en 2023 par mère porteuse, dont elle ne dévoilera pas les prénoms.

C'est à eux, qui occupent la première place de son existence, qu'elle dédie l'exposition Naomi in Fashion. Madame Figaro .

– Comment avez-vous conçu cette exposition ? Naomi Campbell.

– Elle raconte ma vie, depuis mes débuts à 15 ans, lorsque j'ai été découverte par un dénicheur de mannequins tandis que je me baladais dans les rues de Covent Garden avec des copines.

J'ai pu reconstituer le puzzle de cette aventure au fil de la mode avec l'aide d'Edward Enninful et d'autres personnes – collectionneurs, directeurs artistiques, photographes… Chaque pièce de cette garde-robe m'est chère et m'embarque dans un voyage mémoriel : ainsi, une robe de « Papa » (le surnom qu'elle donnait à Azzedine Alaïa, NDLR) me téléporte à Paris dans les années où il m'avait prise sous son aile.

J'avais 16 ans, j'y débarquais pour la première fois, je venais de me faire voler tout mon argent et il m'a accueillie, nourrie, logée, protégée.

N'ayant pas connu mon père, il est devenu mon papa.

Je ressens une émotion intense en revoyant ici toutes ses robes que j'ai portées.

J'éprouve le même sentiment en redécouvrant les chefs-d'œuvre de Karl Lagerfeld, d'Yves Saint Laurent ou de Gianni Versace, qui font tous partie de mon parcours.

J'ai voulu ajouter une touche personnelle à cette exposition, en prêtant des objets jamais montrés et qui ont une valeur sentimentale : des dessins de John Galliano et une esquisse de Karl Lagerfeld à laquelle j'étais aussi très attachée.

Il avait croqué un portrait de moi vêtue en Azzedine Alaïa sur une feuille de papier de la maison Chanel. Naomi Campbell, la femme modeEn imagesVoir les 6 photosVoir les 6 photos Fermez vos yeux, imaginez avoir encore 15 ans et entendre quelqu'un vous dire : « Il y aura une exposition consacrée à ta vie.

»
Que ressentez-vous ? Je n'y croirais pas.

Je penserais qu'on se moque de moi.

Même maintenant, je dois me pincer pour me convaincre que cette célébration est réelle.

J'avais décidé d'écrire mon autobiographie et j'attendais d'avoir des enfants pour me lancer.

Mais même dans le plus fou de mes rêves, je n'aurais pu imaginer que ma vie se retrouverait exposée dans les salles du V & A.

Tout à l'heure, lorsqu'on finissait de choisir les derniers objets, j'ai dû me retenir pour ne pas laisser les larmes couler.

Il y a quelque chose de l'ordre du merveilleux dans le fait de pouvoir rassembler toutes ces pièces conçues par ces créateurs éblouissants.

C'est quarante ans de ma vie qui défilent, et je ressens aussi de la mélancolie, de la nostalgie.

Revoir toutes ces chefs-d'œuvre me renvoie à mille instants partagés si émouvants.

Cette exposition est comme un album de famille dans lequel je ressens la présence de personnes qui ont été décisives dans ma vie, que j'ai aimées et qui ne sont plus là : Gianni (Versace, NDLR), « Papa » (Azzedine Alaïa, NDLR), Karl (Lagerfeld, NDLR).

C'est thérapeutique.

Je suis heureuse d'avoir fait ce voyage. .fig-i-3f23910ac268a7460d47b4809f022915.fig-placeholder{aspect-ratio: 2234 / 3000} Naomi Campbell porte une minirobe en mousseline de soie, à motifs faits d'épingles de nourrice et de perles, Chanel. Joseph Degbadjo @ / Joseph Degbadjo Pourquoi était-il impensable à vos yeux d'avoir une telle célébration ? On s'imagine devoir attendre sa propre mort pour être célébrée à ce point.

C'est donc un honneur immense d'être le témoin vivant de la consécration de ma carrière.

Même s'ils sont encore petits, j'espère que mes enfants garderont des souvenirs de cet événement.

Et puis, parce qu'à mes débuts dans les années 1980, on n'aurait pas pu imaginer qu'une femme, mannequin, soit prise au sérieux.

Lorsque j'ai commencé, l'industrie de la mode était dirigée par des hommes.

En quelques décennies, une révolution s'est opérée.

Je suis incroyablement fière d'avoir fait partie d'une bande de femmes complices qui ont fait bouger les lignes.

Christy Turlington, Carla Bruni… Je suis émue quand je repense à la trajectoire de Christy, qui s'est engagée dans la cause des femmes avec son association Every Mother Counts et voyage dans le monde entier.

Toutes mes collègues et amies mannequins sont fières d'avoir été des top-modèles, et celles qui continuent le sont encore aujourd'hui.

Mais jamais nous n'avons envisagé que notre métier puisse limiter nos ambitions ou qu'il nous oblige à renoncer à réussir dans d'autres sphères.

Bien au contraire ! Nous faisons partie d'une génération de femmes fortes qui sont capables d'être multifacettes, et nous l'avons prouvé. À mes débuts dans les années 1980, on n'aurait pas pu imaginer qu'une femme, mannequin, soit prise au sérieux.

Lorsque j'ai commencé, l'industrie de la mode était dirigée par des hommes Naomi Campbell Très tôt vous vous êtes engagée contre les inégalités et le racisme dans la mode.

Êtes-vous fière de votre parcours et quel chemin reste à parcourir ? Avant tout, je n'étais pas seule.

J'ai gravi les échelons à une époque où les créateurs de mode et les mannequins travaillaient ensemble, dînaient ensemble et échangeaient sur tous les sujets.

Ainsi, Yves Saint Laurent s'est battu pour que mon visage soit en couverture des magazines féminins.

Je ne suis pas sûre que le terme qui décrive ce que je ressens soit la fierté.

Fierté rime avec arrogance, alors que je ne fais qu'être moi-même.

Authentique.

Je dénonce ce qui me semble injuste : les inégalités de salaires comme les discriminations de tout ordre.

J'appelle la mode à imposer l'inclusion dans les défilés.

Cette industrie évolue vers plus de diversité, mais il y a encore beaucoup de travail à accomplir pour l'équité.

J'ai trouvé la force de dire les choses grâce à ma mère, qui n'a jamais eu honte de qui elle était et de ses origines, et plus tard j'ai été très inspirée par Bethann Hardison, une des premières mannequins américaines noires qui ont fait bouger les lignes en créant la Black Girls Coalition, que j'ai rejointe en 1989.

En 2013, j'ai cofondé l'association Diversity Coalition. À lire aussiEn vidéo, Naomi Campbell crée la surprise dans un (vrai) numéro de claquettes sur le plateau de Jimmy Fallon .fig-i-25cd32ccc86777db338c71c59db62b21.fig-placeholder{aspect-ratio: 2240 / 3000} C'est la première fois que le Victoria and Albert Museum (V & A) consacre une exposition personnelle à un mannequin. Joseph Degbadjo Vous œuvrez pour mettre en lumière de jeunes stylistes africains émergents, dont certaines créations rayonnent dans l'exposition.

Lesquels vous touchent ? La mode est un art où les préjugés raciaux et culturels ne devraient pas exister, mais c'est encore parfois le cas.

J'ai une voix et je l'utilise en jouant un rôle de porte-parole pour aider des créateurs de mode africains visionnaires à faire découvrir leur travail en Occident.

Je voyage dans toute l'Afrique pour repérer ces talents.

J'aime mettre en lumière les stylistes comme l'Ivorienne Loza Maléombho, le Nigérian Kenneth Ize, le Sud-Africain Thebe Magugu et tant d'autres.

Je ne veux pas qu'ils soient enfermés dans un cliché de « création africaine ».

Ce sont des créateurs de mode à part entière.

Je travaille sur un grand événement prévu à Paris et qui rassemblera cette jeune garde.

Je suis si heureuse quand les maisons de mode reconnues décident de s'ouvrir à cette diversité, tout en gardant un ancrage dans une tradition, comme l'a fait Chanel en devenant la première marque de luxe à dévoiler une collection en Afrique subsaharienne.

Lorsqu'ils ont choisi de faire leur défilé Métiers d'art 2022-2023, à Dakar, au Sénégal, j'ai sauté dans un avion pour m'y rendre.

Ils avaient fait appel à des artisans locaux pour le tissage, et le dialogue avec les artisans des Métiers d'art Chanel a donné jour à une collection mémorable.

Aider les communautés locales est un devoir en mode.

C'est ce que j'aime faire plus que tout. J'ai été élevée par ma grand-mère et ma mère, deux femmes pugnaces qui m'ont appris le sens de la discipline, le respect qu'il faut porter à autrui mais aussi à soi-même, et le courage dans l'adversité. Naomi Campbell Qu'est-ce qui vous fascine dans l'histoire de cette maison dont vous êtes une amie ? D'abord, la trajectoire de Coco Chanel.

Le destin extraordinaire d'une femme en avance sur son temps qui, contre vents et marées, a su bâtir un empire sans jamais oublier son amour obsessionnel pour les détails.

C'est cette quête de l'excellence, cette recherche du travail minutieux en atelier et la volonté de transmission des secrets du savoir-faire que je recherche dans la mode : ce que j'ai appris de Karl Lagerfeld, d'Yves Saint Laurent, d'Alexander McQueen et de tous les grands maîtres dont les créations figurent dans cette exposition.

Certains des vêtements présentés ont plus de 30 ans, mais leur magie n'a pas pris une ride.

Il faut voir l'attention mise dans chaque couture, plissé ou broderie pour mesurer le niveau d'exigence de la haute couture.

Dans cet univers, l'envers d'un vêtement se doit d'être aussi fabuleux que l'endroit.

J'ai à cœur de célébrer ce savoir-faire unique au monde. Que souhaitez-vous transmettre à vos enfants ? J'ai été élevée par ma grand-mère et ma mère, deux femmes pugnaces qui m'ont appris le sens de la discipline, le respect qu'il faut porter à autrui mais aussi à soi-même, et le courage dans l'adversité.

J'espère transmettre ces valeurs à mes enfants.

Je suis une mère célibataire, heureuse de l'être.

Mes enfants sont une bénédiction.

Si dans ma vie j'avais prêté attention aux préjugés, je n'aurais pas eu cette carrière ni porté mes engagements.

Mon cœur guide tous mes choix.

J'aime profondément mes enfants et je me sens très jeune quand je suis avec eux.

Ils sont ma priorité absolue.

Je veux être à leurs côtés à chaque moment de leur vie, être présente leur premier jour d'école.

Je suis investie dans chaque détail de leur éducation.

Ma fille de 3 ans a un tempérament très vif et a l'air de savoir déjà ce qu'elle veut.

Je ne tenterai jamais de la modeler à mon image.

Je veux qu'ils s'épanouissent.

Mais je ferai très attention aux réseaux sociaux terriblement addictifs.

Je veillerai aussi à ce qu'ils soient investis dans leurs études.

Ils ont beaucoup de chance car je peux les faire voyager, leur faire connaître des langues et cultures différentes.

Je suis persuadée que la connaissance et la culture mènent à un monde meilleur. « Naomi in Fashion », jusqu'au 6 avril 2025, au Victoria & Albert Museum, à Londres.

Le livre « Naomi in Fashion » est publié par les Éditions Rizzoli New York. !function (e, t) { var c, a; (c = t.createElement("script")).src = "https://podcasts.voxeus.com/v3/embed/f1f9a4d2c993b313a5d133febf2db5a55c27a61f.js", c.async = 1, (a = t.getElementsByTagName("script")[0]).parentNode.insertBefore(c, a) }(0, document);

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